Pourquoi le SNESUP-FSU s’est-IL opposé à la signature de “l’accord relatif à l'amélioration des rémunérations et des carrières” ? Imprimer

Le 5 octobre 2020, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a adressé aux organisations syndicales représentées au CTMESRI la version définitive d’un accord relatif à l’amélioration des rémunérations et des carrières, programmé sur 7 ans pour signature une semaine plus tard. La signature par le SNPTES, le SGEN-CFDT et l’UNSA lui permet d’être légèrement majoritaire (50,9 %). La FSU n’a pas signé le protocole. Au regard de la version définitive, la commission administrative du SNESUP-FSU réunie le 15 octobre a confirmé à l’unanimité l’opposition à la signature qu’elle avait déjà votée le 10 septembre sur la base de la version initiale du protocole. Nous revenons ici sur les raisons de cette opposition.


Un lien trop étroit avec la LPR et ses dangers

Ce protocole est étroitement lié à la loi de programmation de la recherche (LPR) dont le SNESUP-FSU a dénoncé depuis plus d’un an les dangers qu’elle porte pour l’avenir de l’ESR. Or, la signature du protocole pendant la discussion de la LPR au parlement valait clairement acceptation de la LPR pour le ministère, ce dont Madame la Ministre n’a pas manqué de se prévaloir devant les sénatrices et les sénateurs lors de l’ouverture des débats au Sénat.

Le SNESUP-FSU s’oppose à la LPR, d’une part parce que la programmation budgétaire y est insuffisante : elle ne correspond en effet qu’à la moitié de l'effort budgétaire nécessaire pour que la dépense publique de recherche représente l'équivalent dans 10 ans de 1 % du produit intérieur brut.

Il s’y oppose aussi parce le plan pluriannuel de création d’emplois statutaires qui figure dans les annexes n’engage pas le gouvernement et ne permettra pas de réduire et de mettre fin à la précarité, ni d’augmenter le nombre de chercheur·es, d’enseignant·es-chercheur·es, d’ingénieur·es et de technicien·nes pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche à la hauteur des enjeux.

Enfin, si cette loi était adoptée en l’état, elle donnerait naissance à de nouvelles voies de recrutement dérogatoire aux principes de la fonction publique et aux statuts des enseignant·es-chercheur·es et des chercheur·es (chaires juniors) instaurant au sein de ces corps des perspectives de carrière inégalitaires dès le recrutement (les dotations de fonctionnement réservées aux chaires juniors alors que les jeunes maîtres et maîtresses de conférence n’auront rien procède d’un dénigrement de leur statut et de leur carrière). Elle accroîtra la précarité à travers les mal nommés "CDI de mission", contrats dont la durée est limitée à celle de la mission. Elle concentrera l’effort annoncé vers le financement sur projets, via l’ANR, et non vers le soutien pérenne des laboratoires, avec en corollaire le recours à des CDD qui participeront là encore à augmenter la précarité.

Alors que le SNESUP-FSU a répété lors des discussions son opposition à la création des chaires juniors et son refus de les voir figurer dans le protocole, considérant dès lors toute signature comme une acceptation de leur création par la LPR, le ministère a maintenu leur mention dans un texte où leur présence ne s’imposait pas. Ce refus est lourd de sens pour le SNESUP-FSU.

Ces chaires juniors, qui sont des CDD anormalement longs (pouvant aller jusqu’à six ans), s'inscrivent avec les appels à projet dans une logique de développement de l'emploi précaire : elles bénéficieront de financements de même nature que les appels à projet et les intéressé·es devront montrer leur aptitude à collecter des fonds. Ces chaires pourront ensuite aboutir sans concours à un poste de PU, et seront dérogatoires à la qualification aux fonctions de maîtres·ses de conférences et de professeur·es des universités voire à l’exigence d’une HDR. Cette procédure contournera le CNU, accentuera le localisme et fragilisera le corps des maîtres de conférences déjà maltraité. ■


Le SNESUP-FSU s’est opposé la signature mais il a pesé pour arracher des améliorations

Deux grands axes du protocole concernent les enseignant·es-chercheur·es (EC) : celui de la revalorisation des rémunérations et celui du repyramidage des carrières, le troisième étant davantage centré sur les carrières des personnels ITRF. Rappelant son opposition au projet de loi de programmation de la recherche, insistant sur un contexte de rentrée particulièrement tendu et pointant des conditions de dialogue biaisées avec le ministère (calendrier inconnu, ultimatums à répétition, annonces méprisantes de la Ministre sur l’issue du dialogue social, diffusion tardive des textes, etc.), le SNESUP-FSU, avec les autres syndicats de la FSU, a néanmoins choisi de porter ses revendications pour obtenir du gouvernement des engagements plus favorables aux personnels que ceux proposés dans la première version du texte. Le SNESUP-FSU a pesé pour arracher des améliorations.

La version définitive du texte a pris en compte une partie des revendications portées par les syndicats de la FSU tout au long de la discussion (amélioration de la carrière de certains corps, revalorisation et convergence de primes statutaires, réaffirmation de l’obligation de rendre effective l’égalité entre les femmes et hommes en ce qui concerne la rémunération et le déroulement de la carrière, repyramidage de corps, etc.). Le texte comporte cependant un grand nombre d’insuffisances, puisqu’il ne concerne pas l’ensemble des personnels exerçant dans l’ESR et introduira de nouvelles inégalités de déroulement de carrière et de rémunération. Il ne met aucun frein au développement de la précarité, déjà massive dans l’enseignement supérieur et la recherche et que la LPR se propose encore d’accroître.

Depuis plus de dix ans, le point d’indice des agents de la Fonction publique est quasi gelé (perte de 18,7 % de pouvoir d’achat depuis 2000, soit plus de deux mois de salaires) et les rémunérations des agents de l’ESR accusent un retard par rapport à d’autres corps de la fonction publique, en raison notamment des différences indemnitaires. Au sein-même de notre ministère, ces différences sont importantes si on compare celles des EC aux ingénieur·es de recherche par exemple.

Dans ce contexte, le SNESUP-FSU, a défendu durant les échanges sur le protocole une revalorisation de l’indiciaire, c’est-à-dire des améliorations des grilles de rémunérations permettant notamment de reconnaître la qualification du doctorat. Le ministère a d’emblée écarté cette option privilégiant exclusivement le versant indemnitaire, c’est-à-dire le versement de primes. L’augmentation annoncée de la prime statutaire (perçue par toutes et tous) permettra d’après le MESRI de rattraper une partie du retard évoqué ci-dessus. Tout en rappelant son opposition à une revalorisation par le biais de primes, le SNESUP-FSU a pesé pour que la part de budget indemnitaire consacré aux EC et réparti à part égale entre les agents de même grade (part statutaire) passe de 50 % à 63 %. Dans ce cadre, le SNESUP-FSU a défendu le basculement de tout le budget supplémentaire sur la part statutaire. Il a obtenu que le plafond de la part individualisée du budget indemnitaire passe de 25 à 20 % au bénéfice de la part statutaire. Le poids portant sur l'individualisation des rémunérations indemnitaires demeurera néanmoins élevé en comparaison de ce qui se pratique dans d’autres ministères.

Les enseignant·es de statut 2nd degré ne sont pas concerné·es par ce nouveau dispositif indemnitaire. Seule leur prime statutaire (prime d’enseignement supérieur) sera augmentée chaque année de 280 euros pendant 7 ans.

Prévisions pour les EC (Enseignant·es-chercheur·es)

Part du budget indemnitaire

2020

2027

Part liée au grade (pour tous les EC) = prime statutaire (Prime de recherche et d’enseignement supérieur (PRES))

57,5 millions d’euros au total soit 38 % du budget indemnitaire

 

= 1260 euros annuels/EC

293,6 millions au total soit 63 % du budget indemnitaire

 

= 6400 euros annuels/EC

Part relative aux fonctions (notamment Primes de responsabilités pédagogiques et missions ponctuelles)

34,7 millions d’euros soit 24 %

79,2 millions d’euros soit 17 %

Part individuelle (engagement professionnel des EC sur l’ensemble de leurs missions)

56,9 millions d’euros soit 38 %

93,2 millions d’euros soit 20 %

Prévisions pour les ESAS (Enseignant·es du second degré affecté·es dans le supérieur)

Part du budget indemnitaire

2020

2027

Part liée au grade (pour tous les ESAS) = prime d’enseignement supérieur (PES)

1260 euros annuels/ ESAS

 

+ 25,5 millions d’euros

Soit 3260 euros annuels/ESAS

 

Si les gains promis (voir tableau ci-dessus) peuvent au premier abord apparaître comme conséquents, ils doivent être relativisés :

1/ Certains sont susceptibles d'être remis en cause par les universités du fait de l’autonomie qui leur a été octroyée. Le SNESUP-FSU refuse que sous la pression de l’austérité budgétaire les améliorations salariales soient accordées au détriment de l'emploi ou des promotions des EC en postes qui seraient dès lors gelé·es ;

2/ La réforme des retraites, qui est toujours en suspens, entraînerait une perte considérable de pouvoir d’achat (de l’ordre de 1000 € par mois) que ces primes se contenteront juste de combler incomplètement et uniquement pour une minorité des enseignant·es-chercheur·es bénéficiaires des primes individualisées ;

3/ Le risque est fort, enfin, que les primes individualisées soient attribuées via des évaluations locales, ce qui aggravera les injustices, la souffrance au travail et les tensions déjà trop importantes dans les collectifs de travail.

Concernant les carrières (axe 2), l’accord affiche la volonté de rééquilibrer les effectifs MCF/PU pour tendre vers 60 %/40 % (contre 69 %/31 % aujourd’hui) et permettre de réduire les blocages de carrière. Le SNESUP-FSU rappelle aujourd’hui que les heures complémentaires effectuées par les titulaires correspondent à 20 000 postes d’EC et que le nombre d'étudiant·es par EC est passé de 20,1 à 23,5 en dix ans. A minima il faudrait conserver les 33 000 postes de MCF et augmenter à 22 000 le nombre de PU pour atteindre l'objectif fixé. Dans cette logique, le SNESUP-FSU a demandé la mise au concours de 5000 postes de PU réservés aux MCF HDR. Dans sa version finale, le protocole affiche 2000 transformations de postes MCF et postes PU au lieu des 1400 prévus initialement. C’est mieux, mais le nombre de concours réservés est encore insuffisant par rapport au vivier de MCF qualifié·es aux fonctions de PU (pour rappel en 2018, il y avait environ 1800 MCF HDR pour moins de 700 PU recruté·es). Par ailleurs, aucune solution n’est ébauchée pour arriver à concrétiser, pour les EC, le principe d’une carrière qui se déroulerait sur au moins deux grades et aucune mesure n’est proposée pour favoriser le passage vers le corps des MCF des enseignant·es du supérieur de statut second degré ayant une activité de recherche (docteur·es qualifié·es).

Le protocole instaure un nouvel échelon au niveau académique pour les dialogues stratégiques de gestion. C’est dans ce cadre, sous la responsabilité du recteur ou de la rectrice, que seront en particulier attribués les postes de PU ouverts dans le cadre des concours réservés. Il n’existe pas d’instances de représentation des personnels à ce niveau et si les décisions doivent ensuite s’imposer aux établissements, nous ne serons pas en mesure de nous faire entendre de manière efficace. Ce contournement des instances de représentation syndicale des personnels a également motivé notre refus de signature du protocole.

 

Accord majoritaire ?

Cet accord est majoritaire au sens des accords de Bercy (50,9 %), puisque le calcul ne prend en compte que les votes pour les syndicats représentés au CTMESR, mais l’affirmation de son caractère arithmétiquement “majoritaire” doit être interrogée puisque les organisations signataires ne représentent que 37,1 % suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs au CTU des EC aux élections professionnelles (le SNESUP-FSU étant largement en tête du scrutin pour le CTU), et surtout puisque les mesures de ce protocole s'adressent principalement aux chercheur·es et enseignant·es-chercheur·es.

Le dialogue a permis de faire évoluer le texte positivement mais les résultats effectifs dépendront de beaucoup de points qui restent à discuter plus tard en comité de suivi, duquel les non signataires de l’accord seront exclus, mais également dans les différents comités techniques (CTMESR et CTU) dans lesquels le SNESUP-FSU portera ses revendications concernant les rémunérations et carrières de tous les personnels de l’ESR.

 

Plus d'infos : www.snesup-lr.fr, www.snesup.fr ;

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