La recherche à l'UM : MUSE supplante la Commission de la Recherche Imprimer

Depuis mars 2017, se consolant des multiples échecs aux concours des IDEX, et pouvant enfin justifier la fusion UM1-UM2, l’Université de Montpellier et ses partenaires1 ont décroché le Graal qu’est l’I-site MUSE (Montpellier Université d’Excellence). 17 M€ de budget annuel, pour partie consacrés à des LabeX qui existaient déjà, et une fondation2 pour gérer tout ça. C’est du sérieux et il hors de question de laisser les personnels et leurs représentants s’en approcher de trop près.

Dès son inauguration, l'I-Site MUSE se montre en effet sous un visage beaucoup plus ambigu pour la communauté scientifique montpelliéraine, que les discours victorieux et enthousiastes ne le laissent paraître.

 

Son programme de soutien à la recherche 3, dévoilé début septembre, accapare l'ensemble du budget de l'Université de Montpellier auparavant dédié aux projets scientifiques (1,5 M€ en 2017), pour s'assurer que « tous les projets [seront] cohérents avec la vision scientifique d’ensemble de MUSE ». Comprenez des projets dans le périmètre d’excellence « Nourrir-Protéger-Soigner », suffisamment vague, qui engloberait déjà 70%, et à terme 80%, de la production scientifique du consortium MUSE. Personne n’est dupe et l'Université de Montpellier, loin d'utiliser le succès de MUSE comme un élément fédérateur et moteur, choisit donc une vision exclusive, calquant son propre périmètre scientifique essentiellement sur celui de MUSE et lui délégant les choix associés.

Mais soyez rassurés, « 10% des moyens distribués pourront aller sur des thèmes hors I-site » !

S'il est cohérent que MUSE distribue ses financements sur ses thématiques via un appel à projets, est-il normal que MUSE décide aussi « des projets qui ne s’inscrivent pas dans les thématiques de MUSE », d'ailleurs plus ou moins restreintes aux sciences sociales et aux sciences théoriques ?

Est-ce aussi normal que le « board » de MUSE, composé de 11 membres nommés par les différents partenaires1, se substitue à notre Commission Recherche du CAC, constitués d’une majorité d’élus, pour prendre des décisions hors de son périmètre scientifique ?

Notre Université couvre de nombreux secteurs disciplinaires et a bâti son succès sur le dialogue entre tous ses champs de recherche. Chaque discipline y a développé une expertise et une créativité propres, qui sont sources de fructueux échanges aux interfaces. Le projet MUSE se nourrit de ces échanges, qui font l'identité du site montpelliérain. Enlever toute capacité locale d'initiative aux enseignants-chercheurs de l'UM hors du périmètre immédiat de MUSE conduira à un assèchement des disciplines concernées, et s'inscrit dans une vision à très court-terme de l'activité de recherche, sans respect pour l'équilibre entre fondements et applications dans chacune de nos unités de recherche. La communauté s'adaptera comme souvent à cette évolution, et la tendance actuelle s'amplifiera, qui voit des projets originaux et à l'état de l'art se parer de leur plus belle robe de MUSE même si leur cœur bat vers d'autres horizons. Est-ce là notre vision de la pluridisciplinarité dans notre université ? Notez d'ailleurs que la rhétorique de l'excellence, dont notre syndicat dénonce régulièrement les dérives et travers, disparaît désormais au profit de la rhétorique du périmètre, dressant de nouvelles frontières internes.

Nous regrettons que l'Université de Montpellier ait fait le choix explicite d'exclure une partie des travaux de Recherche menés au sein de sa politique de financements incitatifs, et d'exclure dans le même temps un arbitrage démocratique de ces projets par ses conseils et leurs membres élus.

 

 

Nous vous appelons à faire remonter les dérives que vous pourriez observer dans vos unités de recherche ou départements scientifiques, par mail ( Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ) ou en nous rencontrant (permanence le lundi entre 13h15 et 14h au bâtiment 12).

Dans un contexte de plus en plus difficile du financement de la Recherche, ce projet MUSE s’est construit par appât du gain. Les personnels de notre Université ont laissé carte blanche aux promoteurs de ce projet. Mais jusqu’où allons-nous accepter de renier tous nos principes de démocratie, de pluralité et de solidarité ?

Aussi, nous demandons à tous les personnels de l’Université de débattre dans les services, laboratoires et Départements Scientifiques. Vous reconnaissez-vous vraiment dans ce slogan publicitaire «Nourrir-Protéger-Soigner » ? Acceptez-vous que d’autres décident pour vous des travaux de Recherche qu’il convient de soutenir ?

L'appel à projet n'est que la première interférence forte entre MUSE et l'UM. L'équilibre entre les écoles doctorales et les Écoles Universitaires de Recherche (EUR, encore un nouvel objet dans le paysage de l'ESR) sera probablement déstabilisé. Et la menace d'un Grand Établissement MUSE supplantant l'Université (loi 1984) actuelle devient chaque mois plus réelle.



1 Les 19 membres de MUSE : Université de Montpellier, Ecole des Mines d’Alès, Montpellier SupAgro, Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, CIHEAM-IAMM, BRGM, CEA, CNRS, Inra, IRD, Cirad, Ifremer, Inserm, Inria, Irstea, CHU de Montpellier, CHU de Nîmes, Institut du Cancer de Montpellier

2 http://www.umontpellier.fr/wp-content/uploads/2014/07/2017-05-02-04-deliberation-ca-um-approbation-statuts-fondation-universitaire-muse.pdf

 

3 http://www.umontpellier.fr/universite/muse