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Chaires de Professeur Junior (CPJ) ou le dilemme du prisonnier : pourquoi demandons-nous un débat ouvert ? PDF Imprimer Envoyer

Les CPJ sont un nouveau type de postes d’enseignants-chercheurs dans nos universités, issus de la LPR Loi de Programmation de la Recherche (2019). Ce ne sont pas des postes de titulaires, tels que nous les revendiquons pour notre université, mais des postes de contractuels sur 3, 4, 5 ou 6 ans. Ceci pose plusieurs problèmes : entorse à la Fonction Publique, entorse au Droit du Travail avec des contrats CDD/CDI, concurrence entre les collègues pour les moyens de travail et les promotions, et risque pour la recherche à long terme.

Le Conseil Académique et le comité technique viennent de valider les 4 prochaines chaires de professeur junior (CPJ) de l'UM (avant le CA lundi 23 mai). Seuls les élus des listes portées par les syndicats FSU, CGT et Sud s'y sont opposé, les autres syndicats et les listes de la présidence ayant voté pour.

Après les oppositions de nombreux départements et laboratoires au principe des Tenure Track en 2019-2020, il nous paraît utile de mettre dans une perspective scientifique le mécanisme qui aboutit à ces demandes par ces mêmes laboratoires et départements :

Le "dilemme du prisonnier" est un problème classique de la théorie des jeux. Un ensemble de prisonniers se voit offrir un choix : chaque prisonnier a individuellement la possibilité de se taire et obtenir une libération collective si personne ne parle, ou bien de dénoncer ses camarades en obtenant sa libération et l'emprisonnement à vie de tous les autres. Ce problème, très étudié aussi bien en mathématiques qu'en psychologie et en sciences politiques illustre comment un optimum local (individuel) est obtenu au détriment d'un optimum global (collectif) meilleur. Chaque prisonnier est poussé vers la solution individuelle par l'argument "si je ne dénonce pas, quelqu'un d'autre va le faire, et je vais rester en prison". En l'absence de concertation entre eux, les prisonniers choisissent presque automatiquement de dénoncer leurs camarades.

Les dirigeants politiques exploitent ce principe ad nauseam. La mise en œuvre de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR) en est exemple récent. Un autre exemple, particulièrement frappant, est l'apparition du financement de la recherche par projets et par l'ANR. Alors que le choix collectif lucide consistait à refuser de participer à la course à l’échalote, chacun s'est individuellement engouffré dans la course aux projets avec le brillant résultat que l'on sait : les chercheurs passent plus de temps à chercher des financements souvent ridicules (1/2 thèse !) qu'à faire de la recherche.

Cette stratégie n'est pas une fatalité. Il suffirait que les prisonniers s'autorisent à échanger en s'appuyant sur les valeurs de la solidarité, sur des "principes" (ou code de l'honneur) et du bon sens pour parvenir à l'enrailler et réaliser collectivement qu'un choix meilleur est possible.

Les pouvoirs en place s'efforcent bien entendu d'éviter cet échange qui sape leur stratégie : les prisonniers n'ont pas le droit de discuter entre eux ! En ce domaine, nous pouvons affirmer que l'Université de Montpellier excelle.

Dernièrement, le sujet des Chaires de Professeur Junior a été abordé dans les conseils de l'Université. Nous, représentantes et représentants "Ensemble pour une université de service public", avons fait part des craintes largement exprimées par la communauté quant à la mise en œuvre de cette disposition de la LPR. Estimant que ce dispositif était tout sauf anodin, nous avons formulé le souhait que la question soit largement débattue afin d'en mesurer les conséquences possibles et notamment l'impact sur les collectifs de travail, le statut d'universitaire ou encore les libertés académiques. Le Président Augé a catégoriquement rejeté cette idée.

A l'Université de Montpellier, le débat collectif sur les CPJ n'aura pas lieu à moins que nous ne le décidions collectivement chacun, chacune à notre niveau (labo, équipe...). Nous vous invitons, toutes et tous, à vous emparer de cette question, à en discuter et à faire remonter vos points de vue.

En attendant, chaque département s'efforce de tirer son épingle du jeu au lieu de faire jouer la solidarité. Les départements soit plus forts, soit plus à l'aise, peuvent se permettre d'ignorer superbement ces postes car ils n'en ont pas besoin, les départements qui ont des difficultés de recrutement hésitent et sont tentés ("c'est la seule façon d'obtenir des postes") et vont inévitablement s'engouffrer dans la brèche, entraînant en cascade tout le collectif à leur suite, pour arriver finalement à une solution mauvaise pour tous et dans laquelle une fois de plus une logique de concurrence inutile et stérile prévaudra.

En l'absence de débat collectif, nous sommes tous des prisonniers.

Notons enfin que l'appétence des départements pour cette nouvelle forme de précarité est directement visible dans les choix faits pour la durée de la période précaire : le minimum, soit 3 ans, en économie; 5 ans en biologie-agronomie; et 6 ans, soit le maximum, pour les deux chaires du département B3ESTE.

 

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