UMSF, « Fusion », Idex ... Mais où allons-nous ? Imprimer

1. Le contexte

En cette période de crise économique mondiale, le gouvernement français actuel a lancé un « grand emprunt » pour financer un certain nombre de « grandes opérations ». La déclinaison, pour l'enseignement supérieur et la recherche publics, consiste à promettre des mannes financières supplémentaires à quelques heureux, élus sur la notion d'excellence ; après le plan Campus, si à la mode ces deux dernières années, voici les Idex, Labex, Equipex. Cette notion d'excellence est conçue par le gouvernement comme un mode d'exclusion selon des critères peu ou pas définis ; certains acteurs/producteurs des différents projets « ex » du site montpelliérain, s’en emparent à leur tour et la traduisent par la mise à l'écart de ceux qu’ils jugent insuffisamment excellents (exit les non A+, pas ou trop peu de place pour les LLASHS qui comptent pourtant des laboratoires A+). En outre, les procédures de réponse aux appels d'offre imposent la précipitation dans le montage des dossiers, conduisent à l'approximation et à l'opacité dans l'élaboration des projets, à l’absence de concertation au sein des structures.

Malgré ce contexte de mise en concurrence et de précipitation, la communauté scientifique de Montpellier continue à exprimer clairement la volonté de trouver des solutions qui permettent de structurer solidement le site tout en préservant un mode démocratique et collégial de fonctionnement qui serait garant de l'intégrité, de l’identité et des particularités de chacun, dans le respect de tous (comme en témoignent les messages, communiqués et pétitions qui ont été diffusés ces dernières semaines). Au delà de la question de l’Idex, le débat tourne autour de la question du rapprochement/rassemblement des universités que d'aucuns qualifient de « fusion » et des projets proposés pour avancer dans cette voie.

2. Les solutions exposées

Les difficultés rencontrées montrent, en fait, que le cadre légal actuel (LRU, Pacte pour la Recherche, exclusion des organismes de recherche, AERES et ANR omniprésentes) qui accompagne la politique ministérielle de mise en concurrence et d’exclusion ne permet pas de définir une solution consensuelle.

Certains souhaiteraient, non pas rapprocher les universités, mais extraire du giron de chaque université tout ce qui sera labellisé « ex », non seulement pour la recherche mais aussi pour les formations qui auront été jugées « excellentes », en les mettant sous le contrôle d'une Fondation au sein de laquelle les universitaires n'auraient qu'un poids très relatif (participation d’entreprises privées avec une minorité d’élus des personnels). Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

D’autres souhaitent une fusion des universités, dont il est utile de rappeler qu’elle correspond à statut juridique particulier :

Une fusion LRU (c'est à dire un seul et unique établissement universitaire UMSF regroupant toutes les composantes de formation et auquel toutes les UMR seraient rattachées) signifie un CA d'une vingtaine d'élus qui prend des décisions pour toute la communauté, sans pouvoir représenter chaque discipline, composante, sensibilité, etc. Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

En outre, alors même que les structures des trois universités diffèrent (plusieurs facultés à l'UM1 ; une seule UFR et plusieurs composantes dérogatoires comme les IUT, IUFM, Polytech, IAE à l'UM2 ; plusieurs UFR à l'UM3), que le rattachement même des UMR diffère (rattachement des UMR aux facultés à l'UM1, rattachement centralisé des UMR à une DRED à l'UM2, intégration des UMR au sein des UFR à l'UM3) et que les pratiques académiques différent encore d'une université à l'autre. Une telle fusion, forcément lourde et complexe, ne peut se décider dans le délai de quelques semaines ou mois que l’on voudrait nous imposer, encore moins dans le contexte de mise en concurrence et de sélection par l’excellence que nous impose le ministère ; Même la ministre ne prétend plus imposer de telles fusions (l'exemple de Strasbourg est à ce titre très instructif) mais se contente par exemple de PRES.

La solution du PRES, justement, est également évoquée : mais depuis que les sénateurs français ont voté dernièrement un amendement permettant aux PRES de porter des formations, et vu la volonté du gouvernement (ainsi que de certains acteurs montpelliérains !) d'externaliser les formations dites « excellentes » et de les soustraire au contrôle de conseils centraux universitaires, il apparaît nettement que cette solution ne pourrait que conduire, bien plus vite qu'on ne le croit, à une explosion de l'offre de formation du site. Les formations dites d’excellence, parce que rattachées aux Labex, se retrouveraient dans les mains du PRES en laissant dans un ghetto sans moyens les formations moins porteuses et moins « clinquantes » dans celles des universités. Si nous rappelons, de plus, que la représentation des personnels et la pratique démocratique sont encore plus limitées dans le CA d'un PRES que dans celui d'une université cadre LRU, le danger n'est plus une simple hypothèse mais une réalité future. Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

Une autre solution encore a été proposée : un « Grand Établissement ». Il s'agit d'une forme juridique qui permet de déroger au cadre national qui régit les universités par un décret spécifique qui crée l’établissement ; on pourrait donc imaginer qu'il serait ainsi possible de fonder les statuts d'un tel établissement afin d'améliorer la représentation, la représentativité et la pratique démocratique du pouvoir au sein des conseils élus. Soit. Dans ce cas, quelle assurance de rester dans le cadre national pour les droits d'inscription des étudiants, les diplômes et la gestion des personnels ? Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

3. Que faire alors ?

Il est évident qu'aucune des solutions envisagées à ce jour ne permet de satisfaire l'ensemble des attentes des acteurs du site montpelliérain et de répondre à leurs inquiétudes. Mais, ne nous y trompons pas : si aucun consensus n'a pu se dégager, ce n'est pas à cause de tel ou tel mais bien à cause d’une politique. Nous voyons là, les premiers effets de la mise en concurrence des universités, des unités de recherche et des universitaires entre eux : la concurrence, c'est sa fonction, produit de l'exclusion. Aujourd'hui, et c’est pour cela que la présidente de l’UM3 a quitté la table des négociations de l’Idex, cette exclusion menace directement une grande partie des LLASHS ; demain, une fois que les dispositifs seront expérimentés, ce sera le tour des autres. Cette politique , fondée sur la mise en concurrence, ne mène nulle part parce qu'elle ne répond pas aux besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche publics qui sont, notamment, un financement public, un nombre de postes suffisants, des institutions dans lesquelles la liberté de la recherche est garantie par une large représentation démocratique des personnels.

Il importe de mieux structurer, pour les rendre plus efficaces et plus visibles internationalement, la formation universitaire et la recherche sur le territoire national et donc de rapprocher entre elles les universités, ainsi que les Ecoles et Instituts de recherche, en favorisant leurs coopérations, mise en réseaux... Ce vœu avait déjà été formulé et précisé lors des États Généraux de la Recherche de 2004. Mais la réponse du gouvernement à cette demande, c’est-à-dire le Pacte pour la Recherche, la mise en place de l'ANR, l'« institut-ionnalisation » du CNRS, la LRU représentent tout le contraire de cette volonté collective d’un rassemblement qui saurait préserver la liberté de recherche, les disciplines, les personnels et les pratiques démocratiques.

Seul le site de Strasbourg expérimente la fusion LRU, avec les conséquences néfastes que nous observons, les autres préférant d'autres modèles (principalement des PRES-EPCS) parce qu’ils cherchent à préserver les identités des différents établissements concernés et à garantir le partage des moyens par une dynamique collective démocratiquement contrôlée. Mais ces dernières solutions (PRES-EPCS, toujours issus de la LRU) ne conviennent pas davantage puisque, au sein même de la CPU, on réfléchit encore à d'autres alternatives telles que des associations loi 1901 ou des « Universités fédérales ou confédérales » (cf. lettre du 26 novembre de la CPU n°58). Cette même CPU qui, il y a quelques années, poussait fortement le gouvernement à instaurer brutalement la LRU, expérimente depuis la réalité du terrain et se rend bien compte que ce cadre, à fort pouvoir diviseur, ne constitue pas une réponse, au contraire.

Si aucune solution satisfaisante ne se trouve, c’est que toutes se réfléchissent dans le cadre de la LRU. Une solution qui fasse réellement consensus au sein de la communauté scientifique passe par une abrogation de la LRU et de la politique qui la sous-tend et l’accompagne ainsi que par une réelle prise en considération des propositions de la communauté scientifique. Ceci suppose un cadre légal nouveau, à définir après une large et longue concertation de tous les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche publics, et qui garantisse l'accomplissement des missions du service public d'enseignement supérieur et de recherche.